Roi des Francs saliens, puis roi de tous les Francs de 481 à 511.
Clovis Ier
Illustration.
Le baptême de Clovis par saint Remi avec le miracle de la Sainte Ampoule (détail). Sculptée durant le dernier quart du ixe siècle, cette plaque en ivoire servit vraisemblablement à orner la reliure d'un manuscrit rémois relatif à la vie de saint Remi (Amiens, musée de Picardie)1.
Titre
Roi des Francs
481/482 – 27 novembre 511
Prédécesseur Childéric Ier
Successeur Thierry Ier (roi de Reims)
Clodomir (roi d'Orléans)
Childebert Ier (roi de Paris)
Clotaire Ier (roi de Soissons)
Biographie
Titre complet Roi des Francs
Dynastie Mérovingiens
Date de naissance vers 466
Date de décès 27 novembre 5112
Lieu de décès Paris
Père Childéric Ier
Mère Basine de Thuringe
Conjoint 1) Evochilde3,4 princesse franque
2) Clotilde
Enfants Thierry Ier, Ingomer
Clodomir, Childebert Ier
Clotaire Ier, Clotilde
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Clovis Ier, en latin Chlodovechus, seule forme contemporaine écrite attestée, peut-être en francique reconstitué *Hlodowig5,Note 1 (prononcé probablement [xlod(o)wɪk] ou [xlod(o)wɪç]), né vers 466 et mort à Paris le 27 novembre 511, est roi des Francs saliens, puis roi de tous les Francs de 481 à 511.
Issu de la dynastie des Mérovingiens, il est le fils de Childéric Ier, roi des Francs saliens de Tournai (Belgique), et de la reine Basine de Thuringe. Brillant chef militaire, il accroît considérablement le territoire du petit royaume des Francs saliens dont il hérite à la mort de son père pour unifier une grande partie des royaumes francs, repousser Alamans et Burgondes et annexer les territoires des Wisigoths dans le Sud de la Gaule.
Le règne de Clovis est surtout connu par la description qu'en fit Grégoire de Tours, évêque gallo-romain dont l'Histoire des Francs est riche d'enseignements mais dont la visée essentiellement édifiante s'accompagne d'un manque de précision et de cohérence historique. Les éléments de la vie de Clovis ne sont pas connus de manière certaine et leur « habillage » est le plus souvent suspect6.
Clovis est considéré dans l'historiographie comme un des personnages les plus importants de l'histoire de France ; la tradition républicaine reconnaît en lui le premier roi de ce qui devint la France, et la tradition royale voit en lui le premier roi chrétien du royaume des Francs
L'évangélisation au Bas-Empire
Si les chrétiens des premiers siècles s'aventurent à l'évangélisation de l'empire, le christianisme ne s'impose officiellement que progressivement à partir du ive siècle, du règne de Constantin Ier qui se convertit au christianisme12, jusqu'au règne de l'empereur Théodose Ier, qui fixe le christianisme comme religion d'État en 381 avec l'édit de Thessalonique. Jusque-là, et malgré divers édits de tolérance religieuse, les persécutions ont empêché les chrétiens de définir clairement une doctrine cohérente ; c'est ainsi que l'empereur Constantin Ier organise un concile à Nicée en 325, pour permettre une harmonisation théologique et dogmatique. Il en résulte une dissension liée au débat trinitaire qui favorise deux concepts différents : l'église conciliaire prône l'égalité entre le Père, le Fils et l'Esprit Saint ; l'arianisme, jugé hérétique par les conciliaires, prône l'infériorité du Fils, considéré comme une créature de Dieu13, par rapport au Père14. En niant la nature divine du Christ et en le réduisant à l'état de créature, les ariens font du Messie un être doté de pouvoirs extraordinaires mais qui n'est ni un homme ni Dieu.
Les religions en Gaule au ve siècle
Les grandes invasions et la chute de l'Empire romain ont permis l'installation durable de royaumes barbares dans l'empire et notamment en Gaule. Les barbares, généralement d'origine germanique, sont restés païens du fait de leur faible romanisation. Mis à part le court aparté de l'occupation romaine de la Germanie sous Auguste de 9 av. J.-C. à 12, l'empire ne possède que deux provinces en Germanie : la Germanie supérieure et la Germanie inférieure15. Pour contenir les barbares, les Romains tentent de les fédérer à l'empire en établissant des traités de paix (fœdus) où les barbares se voient concéder des territoires, développent le commerce avec Rome, payent des impôts et fournissent des soldats, faisant avancer l'influence romaine16. Les peuples les plus romanisés adoptent le christianisme tel les Burgondes, Ostrogoths, Vandales et surtout les Wisigoths11 mais dans sa version arienne12. L'afflux de peuples « barbares » plus ou moins romanisés ébranle l'unité que le christianisme avait dans l'empire, et en Gaule, l'établissement de royaumes barbares, soit païens soit ariens, fait décliner l'obédience conciliaire fidèle aux dogmes de Chalcédoine, de Constantinople et de Nicée.
Paganisme, arianisme et église conciliaire
Les Francs constituent une ligue de peuple germanique qui, bien qu'ayant établi un fœdus avec l'empire17, sont restés païens. Ils partagent avec les autres tribus de Germanie le culte des Ases desquels les familles royales sont censées descendre18. De ce fait, les rois barbares ont une origine sacrée faisant d'eux à la fois des chefs de guerre mais aussi des détenteurs d'un pouvoir spirituel. Aussi, lorsqu'un chef « barbare » se tourne vers le christianisme pour tenter un rapprochement avec les populations autochtones romanisées12, il opte plutôt pour l'arianisme19, qui permet au roi de s'identifier au Christ surhomme11 et de devenir le chef de l'Église, et ainsi de conserver son pouvoir religieux20. Le roi barbare concentre ainsi les pouvoirs de chef de guerre (ou roi d'armée : heerkönig21), chef d'État et chef de l'Église entre ses mains11, provoquant un césaro-papisme20. Au contraire, l'église conciliaire prône le partage des pouvoirs entre le roi, laïc, détenteur du pouvoir temporel, et le pape, pontife supérieur, détenteur du pouvoir spirituel pour l'Occident.
Les royaumes germaniques à la fin du ve siècle
À la fin du ve siècle, la Gaule est morcelée en plusieurs royaumes barbares, constamment en guerre, cherchant à étendre leurs influences et leurs possessions. Trois ensembles principaux se détachent :
les Francs, établis au nord-est, ayant longtemps servi l'Empire romain comme troupes auxiliaires sur la frontière rhénane, encore païens à l'avènement de Clovis, eux-mêmes dispersés dans de nombreux royaumes différents ;
les Burgondes, établis par Rome en Savoie (en Sapaudie) et dans le Lyonnais, chrétiens ariens et relativement tolérants ;
les Wisigoths, peuple puissant établi au sud de la Loire, en Languedoc, surtout dans la vallée de la Garonne, et en Espagne, également ariens, mais moins tolérants envers les chrétiens conciliaires qu'ils dominent ;
les Ostrogoths ne sont présents qu'en Provence (jusqu'à Arles), mais leur roi Théodoric le Grand, depuis l'Italie, cherche à maintenir l'équilibre entre les différents royaumes ;
par ailleurs, au loin, l'Empire romain d'Orient exerce une autorité certes largement théorique mais qui garde une valeur symbolique importante dont les souverains germaniques recherchent volontiers la reconnaissance. L'Empire s'efforce de contenir les souverains germaniques.
Enfin, une multitude de « pouvoirs » locaux ou régionaux d'origine militaire (des « royaumes » ou regna) occupent ainsi le vide laissé par la déposition du dernier empereur romain d'Occident en 476. Parmi ceux-ci se trouve le royaume d'un général romain établi dans la région de Soissons, Syagrius. Le « pouvoir » dont il est question ici n'a rien à voir avec les notions modernes de pouvoir législatif, exécutif ou judiciaire, mais couvre une relation dominant-dominé plus proche de celle d'un chef de tribu.
L'avènement de Clovis
À la mort de son père en 481 ou 482, Clovis hérite d'un royaume qui correspond à la Belgique seconde (à peu près la région de Tournai en actuelle Belgique), petite province située entre la mer du Nord, l'Escaut et le Cambrésis, soit un territoire allant de Reims jusqu'à Amiens et Boulogne, à l'exception de la région de Soissons, qui est contrôlée par Syagrius.
Les Francs saliens (en jaune) et rhénans ou ripuaires (en orangé) dans la première moitié du ve siècle.
Clovis prend la tête du royaume franc salien. Le titre de « roi » (en latin rex) n'est pas nouveau : il est notamment dévolu aux chefs de guerre des nations barbares au service de Rome. Ainsi, les Francs, anciens fidèles serviteurs de Rome, n'en demeurent pas moins des Germains, des barbares païens, bien éloignés par leur mode de vie de Gaulois romanisés par près de cinq siècles de domination et d'influence romaine.
Clovis n'est alors âgé que de quinze ans et rien ne prédispose ce petit chef barbare parmi tant d'autres à supplanter ses rivaux, plus puissants. Les historiens ont longtemps débattu sur la nature de la prise du pouvoir par Clovis. Au xviiie siècle, ils s'affrontent sur l'interprétation d'une lettre de l'évêque Remi de Reims. Montesquieu, dans l'Esprit des lois, penche pour une conquête du royaume par les armes, alors que l'abbé DubosNote 6 prône la dévolution, par l'Empire romain finissant, de la Belgique seconde à la famille mérovingienne33. Aujourd'hui, cette dernière thèse l'emporte.
À la lumière des événements postérieurs, sa réussite militaire incontestable doit évidemment à ses qualités personnelles de chef très rusé (« astutissimus »34), mais au moins autant à l'acquisition depuis longtemps par les siens de l'expérience romaine de la guerre – la discipline exigée de ses soldats lors de l'épisode de Soissons en témoigne, tout comme la tombe de son père Childéric – qu'à sa conversion au christianisme et, à travers celle-ci, son alliance avec les élites gallo-romaines.
Ainsi, le règne de Clovis s'inscrit-il plutôt dans la continuité de l'Antiquité tardive que dans le haut Moyen Âge pour de nombreux historiens. Il contribue cependant à forger le caractère original de cette dernière période en donnant naissance à une première dynastie de rois chrétiens et, en raison de son acceptation par les élites gallo-romaines, en créant un pouvoir original en Gaule.
L'extension du royaume de Clovis vers l'est et le centre
Toute sa vie, Clovis s'efforce d'agrandir le territoire de son royaume, avant, selon la tradition germanique, que ses enfants ne le partagent entre eux. Peu à peu, Clovis conquiert ainsi toute la moitié septentrionale de la France actuelle : il s'allie d'abord aux Francs rhénans, puis aux Francs de Cambrai dont le roi Ragnacaire est probablement un de ses parents35.
La politique d'expansion territoriale
Pour assurer l'expansion de son domaine, Clovis n'hésite pas à éliminer tous les obstacles : il fait ainsi assassiner tous les chefs saliens et rhénans voisins et, afin de s'assurer également que seuls ses fils hériteront de son royaume, certains de ses anciens compagnons et même certains membres de sa famille, y compris éloignés. En 490, il entame une série d'offensives contre la Germanie rhénane et transrhénane.
Il se lance ainsi dans une grande série d'alliances et de conquêtes militaires, à la tête de seulement quelques milliers d'hommes au départ. Mais plus que les armes, certes efficaces, des Francs, c'est semble-t-il le savoir-faire acquis au service de l'Empire romain et contre les autres barbares qui rend possibles les succès militaires des guerriers de Clovis.
À travers lui, ce n'est pourtant pas un peuple germanique qui s'impose aux Gallo-romains : c'est la fusion d'éléments germains et latins qui se poursuit. Ainsi, alors que Chlodowig (Clovis) porte un nom barbare et que Syagrius est pourtant qualifié de « Romain » par les sources, ce dernier ne bénéficie visiblement pas de l'appui de son peuple. Le roi « barbare » ostrogoth Théodoric le Grand, dans sa prestigieuse cour de Ravenne, perpétue par ailleurs tous les caractères de la civilisation romaine tardive, tout en restant un Ostrogoth arien, un barbare hérétique aux yeux de l'Église.
Malgré de durs combats, Clovis sait néanmoins s'imposer assez rapidement parce qu'il paraît déjà passablement romanisé et, en définitive, un moins mauvais maître que la plupart des prétendants : « au moins est-il chrétien », auraient dit les Gallo-romains. Il aurait d'ailleurs eu un conseiller gallo-romain, Aurelianus36. À l'inverse, les Wisigoths, chrétiens mais ariens, tiennent l'Aquitaine d'une main de fer et ne font aucun effort pour tenter un rapprochement avec les Gallo-romains chrétiens qu'ils dominent.
La conquête du royaume de Syagrius
À partir de 486, Clovis mène l'offensive vers le sud. Il emporte les villes de Senlis, Beauvais, Soissons et Paris dont il pille les alentours. Il livre la bataille de Soissons contre Syagrius. Celui-ci, fils du magister militum per Gallia Ægidius, s'intitule « Roi des Romains » et contrôle une enclave gallo-romaine située entre Meuse et Loire, dernier fragment de l'Empire romain d'Occident. La victoire de Soissons permet au royaume de Clovis de contrôler tout le nord de la Gaule. Syagrius se réfugie chez les Wisigoths, qui le livrent à Clovis l'année suivante. Le chef gallo-romain est discrètement égorgé.
La légende du vase de Soissons
C'est après cette bataille qu'a lieu – selon Grégoire de Tours – l'épisode du vase de Soissons, où, contre la loi militaire du partage, le roi demande à soustraire du butin un vase liturgique précieux pour le rendre, à la demande de Remi, évêque de Reims, à l'église de sa ville. Après avoir réuni le butin, Clovis demande à ses guerriers de pouvoir ajouter le vase à sa part du butin. Mais un guerrier s'y oppose en frappant le vase de sa hache. Clovis ne laisse transparaître aucune émotion et réussit malgré tout à rendre l'urne à l'envoyé de Remi, mais en garde ressentiment.
L'épilogue se produit le 1er mars 487. Clovis ordonne à son armée de se réunir au Champ-de-Mars pour, selon une pratique romaine, une inspection des troupes et examiner si les armes sont propres et en bon état. Inspectant ses soldats, il s'approche du guerrier qui, l'année précédente, avait frappé le vase destiné à Remi et, sous prétexte que ses armes sont mal entretenues, jette alors la hache du soldat à terre. Au moment où celui-ci se baisse pour la ramasser, Clovis abat sa propre hache sur la tête du malheureux, le tuant net. Sur ordre de Clovis, l'armée doit se retirer en silence, laissant le corps exposé au public35.
Le testament de saint Remi fait mention d'un vase d'argent que lui aurait donné Clovis, mais qu'il aurait fondu pour fabriquer un encensoir et un calice37.
L'alliance avec les Francs rhénans
Avant 486, Clovis choisit de renforcer ses positions en contractant un mariage38 avec une princesse de la monarchie franque rhénane39, dont naît un fils, Thierry38.
Cette union a souvent été interprétée comme l'épisode d'une alliance tactique avec ses voisins orientaux, lui permettant de tourner ses ambitions vers le sud. Cette union avec une épouse dite de « second rang », vue comme étant « gage de paix » (Friedelehe), assure la paix entre Francs rhénans et saliens. Elle a souvent été interprétée à tort comme un concubinage par les historiens romains chrétiens qui ne connaissaient pas les mœurs des structures familiales polygames germaniques, sans mariage public. Les mariages officiels (de premier rang) permettaient à l'épouse de jouir du « don du matin » (la MorgengabeNote 7), qui était constitué de biens mobiliers donnés par le mari, ainsi que de commander à ses descendants légitimes.
Le royaume des Francs rhénans s'étend dangereusement sur la Belgique seconde mais l'alliance avec Clovis leur assure la possession des cités de Metz, Toul, Trèves et Verdun que les Alamans menacent40. Refusant de se laisser attaquer sur deux fronts, la stratégie impose à Clovis d'attaquer les Thuringiens rhénans, que l'expansion de leur royaume basé sur l'Elbe et la Saale fait déborder sur la rive droite du Rhin inférieur, absorbant Ratisbonne par la même occasion et faisant avancer les Alamans en direction des Francs41.
L'alliance avec les Romains
En 508, après sa victoire sur les Wisigoths, Clovis reçoit de l'empereur d'Orient Anastase Ier les « tablettes consulaires »42, ce que l'on interprète comme un titre de consul honoraire avec les ornements consulaires43,44, et il est salué comme « Auguste » au cours d'une cérémonie à Tours. Cela marque la continuation des bonnes relations avec l'Empire romain dont Constantinople est la seule capitale, Rome défaite en 476 y ayant renvoyé les insignes impériaux et ne conservant qu'une autorité spirituelle fortement soumise à l'autorité impériale. L'évèque-patriarche de Rome n'a pas encore repris (officiellement) la titulature impériale de Pape (pontifex maximus) ou de chef de la religion romaine en vigueur depuis 712 av. J.-C., titulature reprise par Théodore Ier seulement en 642.
Solidus à la Victoire. Monnayage au nom et au type d'Anastase sous Clovis Ier
La soumission de la Thuringe
Article détaillé : Thuringe historique.
En 491, Clovis déclare la guerre aux Thuringiens, dont une hypothèse veut que le royaume s'apparente en fait à celui du roi des Francs saliens Cararic, qui aurait eu pour capitale la cité de Tongres45 et dont le contour est mal défini mais s'étend probablement dans la région de Trèves ou sur les bouches du Rhin46. Cararic s'étant joint à Clovis dans la guerre contre Syagrius, celui-ci est donc son allié. Mais il aurait attendu le déroulement de la bataille pour intervenir auprès du vainqueur, chose que n'apprécie pas Clovis qui finit par le soumettre35 et le fait tondre avec son fils pour les faire entrer dans les ordres, respectivement en tant que prêtre et diacre. Après avoir eu connaissance de menaces de mort le concernant, Clovis les fait finalement assassiner et s'empare du royaume47.
Une seconde hypothèse veut que cette guerre soit simplement la réponse à la menace qu'exercent les Thuringiens sur les royaumes francs. Avant 475, le roi des Wisigoths Euric s'est allié à ce peuple, juste après avoir défait les Francs saliens, dont les pirates attaquent la côte occidentale de la Gaule48.
Basine, la mère de Clovis, étant thuringienne, une explication à cette expédition guerrière accrédite l'idée que Clovis tente de récupérer le territoire dont sa mère était originaire23. Cette expédition n'entame pas pour autant la souveraineté de la Thuringe vu qu'il faut attendre le règne de ses fils, Thierry Ier et Clotaire Ier, pour qu'elle soit intégralement soumise, rattachée en partie au royaume des Francs49 et en partie aux territoires saxons50.
La conversion au christianisme catholique
Le second mariage
Clovis et Clotilde, vue d'artiste d'Antoine-Jean Gros, Paris, Petit Palais, 1811.
L'évêque de Reims, le futur saint Remi, cherche alors probablement la protection d'une autorité forte pour son peuple, et écrit à Clovis dès son avènement. Les contacts sont nombreux entre le roi et l'évêque, ce dernier incitant d'abord Clovis à protéger les Chrétiens présents sur son territoire. Grâce à son charisme et peut-être en raison de l'autorité dont lui-même jouit, Remi sait se faire respecter de Clovis et lui sert même de conseiller.
À la suite d'ambassades répétées auprès du roi Gondebaud, Clovis choisit de prendre pour épouse Clotilde, une princesse chrétienne de haut lignage, fille du roi des Burgondes Chilpéric II38 et de la reine Carétène51 (ce peuple voisin des Francs était établi dans les actuels Dauphiné et Savoie).
Le mariage qui a lieu à SoissonsNote 8 en 49252 ou en 49353 concrétise le pacte de non-agression avec les rois burgondes. En choisissant une descendante du roi Athanaric de la dynastie des Balthes, Clovis se marie avec une épouse de premier rang qui lui assure un mariage hypergamique, lui permettant de hisser les Francs au rang de grande puissance54.
Dès lors, selon Grégoire de Tours, Clotilde fait tout pour convaincre son époux de se convertir au christianisme. Mais Clovis est réticent : il doute de l'existence d'un Dieu unique ; la mort en bas âge de son premier fils baptisé, Ingomer, ne fait d'ailleurs qu'accentuer cette méfiance55. D'autre part, en acceptant de se convertir, il craint de perdre le soutien de son peuple, encore païen : comme la plupart des Germains, ceux-ci considèrent que le roi, chef de guerre, ne vaut que par la faveur que les dieux lui accordent au combat. S'ils se convertissent, les Germains deviennent plutôt ariens, le rejet du dogme de la Trinité favorisant en quelque sorte le maintien du roi élu de Dieu et chef de l'Église.
Néanmoins, Clovis a plus que tout besoin du soutien du clergé gallo-romain, car ce dernier représente la population gauloise. Les évêques, à qui échoit le premier rôle dans les cités depuis que se sont effacées les autorités civiles, demeurent les réels maîtres des cadres du pouvoir antique en Gaule. C'est-à-dire également des zones où se concentrait encore la richesse. Cependant, même l'Église a du mal à maintenir sa cohérence : évêques exilés ou non remplacés en territoires wisigoths, successions pontificales difficiles à Rome, mésentente entre pro-wisigoths ariens et pro-francs (Remi de Reims, Geneviève de Paris…), etc.
La conversion et la bataille de Tolbiac
Bataille de Tolbiac en 496 peint par Ary Scheffer (1795 - 1858). Versailles, musée national du Château et des Trianons.
C'est en « la quinzième année de son règne », c'est-à-dire en 496, qu'a lieu la bataille de Tolbiac (Zülpich près de Cologne) contre les Alamans, Clovis portant secours aux Francs rhénans dont le roi Sigebert a été blessé au genou56. D'après Grégoire de Tours, ne sachant plus à quel dieu païen se vouer et son armée étant sur le point d'être vaincue, Clovis prie alors le Christ et lui promet de se convertir si « Jésus que sa femme Clotilde proclame fils de Dieu vivant » lui accordait la victoireNote 9. Il s'agit de la même promesse que fit l'empereur romain Constantin en 312 lors de la bataille du pont Milvius. Grégoire de Tours reprend le modèle constantinien (conversion après une bataille, rôle important d'une femme, Hélène et Clotilde) pour répéter ce qu'il y a eu de plus glorieux et légitimer la royauté franque57.
Au cœur de la bataille, alors que Clovis est encerclé et va être pris, le chef alaman est tué d'une flèche ou d'un coup de hache, ce qui met son armée en déroute. La victoire est à Clovis et au dieu des chrétiens58. Une hypothèse veut que la bataille ait eu lieu en 506 à cause d'une lettre de Théodoric envoyée fin 506 ou début 507 à Clovis où il est mentionné la victoire de Clovis sur les Alamans que Théodoric a pris sous sa protection, la mort de leur roi, et leur fuite en Rhétie. Il est aussi possible qu'il y ait eu deux batailles contre les Alamans, l'une en 496 et l'autre en 506, où à chaque fois, leur roi périt au combat59. Cette victoire permet au royaume de Clovis de s'étendre jusqu'à la Haute-Rhénanie.
Selon d'autres sources60, Tolbiac n'aurait été qu'une étape et l'illumination finale de Clovis aurait en fait eu lieu lors de la visite au tombeau de Martin de Tours.
Selon Patrick Périn, médiéviste, spécialiste du Premier Moyen Âge et directeur du Musée d'archéologie national, Clovis n’aurait pas fait le vœu de se convertir au christianisme lors de la fameuse bataille de Tolbiac mais lors d'une bataille inconnue. En effet, la bataille de Tolbiac serait mentionnée par erreur dans les écrits de Grégoire de Tours. Si ce dernier évoque bien Tolbiac, ce serait à propos de la bataille de Vouillé où était présent Clodoric, fils de Sigebert le Boiteux de Cologne, ainsi nommé car il avait été blessé lors d'une bataille contre les Alamans, à Tolbiac. Ce seraient des historiens du xixe siècle qui auraient associé Tolbiac à la conversion du roi des Francs[réf. insuffisante].
Le catéchuménat
Articles détaillés : Catéchuménat, Premier concile de Constantinople et Concile de Chalcédoine.
Représentation anachronique du baptême de Clovis, dépeignant le rite par aspersion dans une cuve baptismale. Or, le baptême par immersion dans une piscine de baptistère demeure en usage jusqu'à l'époque carolingienne. Toile du xve siècle du maître de Saint Gilles.
Clovis Ier baptisé par l'évêque Remi de Reims, statue du xixe siècle devant la basilique Saint-Remi de Reims.
L'évêque Remi enseigne à Clovis la catéchèse durant la phase des auditeurs (audientes) suivant les préceptes des conciles de Nicée (325), de Constantinople (381) et de Chalcédoine (25 octobre 451). Il se voit longuement enseigner la moralité et le rituel ainsi que l'histoire du Salut61, puis le dogme trinitaire ainsi que les Credos tels que « Je crois en Dieu Père tout puissant et à Jésus-Christ son fils unique, engendré et non créé » que le concile de Nicée a promulgué14. Cependant, le doute plane concernant la Passion : Clovis ne croit pas qu'un vrai Dieu puisse se laisser crucifierNote 10 et le pense impuissant62. En outre, sa sœur Lantechilde le pousse à embrasser l'arianisme plutôt que l'orthodoxie conciliaire13.
Toujours est-il que lors de Noël d'une annéeNote 11 comprise entre 496 et 511, peut-être en 49963 ou en 50864 selon les auteurs, Clovis passe à la phase des demandeurs (competentes)61 et reçoit alors le baptême avec 3 000 guerriers (les antrustions)65,Note 12 — les baptêmes collectifs étant alors une pratique courante — des mains de saint Remi, l'évêque de Reims, le 25 décembre. Ce chiffre est cependant sujet à caution et l'onction post-baptismale est certainement exclue : il aurait été difficile pour l'évêque de répandre du chrême, un mélange d'huile d'olive et de résine aromatique, sur le front de 3 000 personnes66. Ce baptême est demeuré un évènement significatif dans l'histoire de France : à partir d'Henri Ier tous les rois de France, sauf Louis VI, Henri IV et Louis XVIII, sont par la suite sacrés dans la cathédrale de Reims jusqu'au roi Charles X, en 1825.
Le baptême de Clovis accroît sans doute sa légitimité au sein de la population gallo-romaine, mais représente un pari dangereux : les Francs, comme les Germains, considèrent qu'un chef vaut par la protection que lui inspirent les dieux ; la conversion va à l'encontre de cela ; les Germains christianisés (Goths…) sont souvent ariens, car le roi y reste chef de l'Église. Selon l'historien Léon Fleuriot67, Clovis fit un pacte avec les Bretons et Armoricains de l'ouest qu'il ne pouvait battre, tandis que menaçaient les Wisigoths. Le baptême était une condition de ce traité car les Bretons étaient déjà christianisés. Ce traité fut conclu par l'entremise de saint Melaine de Rennes et Saint Paterne de Vannes. Les Bretons reconnurent l'autorité de Clovis mais ne payaient pas de tribut.
Ainsi, le baptême de Clovis marque le début du lien entre le clergé et la monarchie franque. Pour les monarchistes français, cette continuité se fait française et dure jusqu'au début du xixe siècle. Dorénavant, le souverain doit régner au nom de Dieu. Ce baptême permet également à Clovis d'asseoir durablement son autorité sur les populations, essentiellement gallo-romaines et chrétiennes, qu'il domine : avec ce baptême, il peut compter sur l'appui du clergé, et vice-versa. Enfin depuis ce baptême, l'historiographie nationaliste française du xixe siècle attribue aux rois de France le titre, à tort historiquement parlant, de « fils aîné de l'Église »68.
Le baptême de Clovis selon Grégoire de Tours
« La reine fait alors venir en secret Remi, évêque de la ville de Reims, en le priant d’insinuer chez le roi la parole du salut. L’évêque l’ayant fait venir en secret commença à lui insinuer qu’il devait croire au vrai Dieu, créateur du ciel et de la terre, et abandonner les idoles qui ne peuvent lui être utiles, ni à lui, ni aux autres. Mais ce dernier lui répliquait : « Je t’ai écouté très volontiers, très saint Père, toutefois il reste une chose ; c’est que le peuple qui est sous mes ordres, ne veut pas délaisser ses dieux ; mais je vais l’entretenir conformément à ta parole. »
Il se rendit donc au milieu des siens et avant même qu’il eût pris la parole, la puissance de Dieu l’ayant devancé, tout le peuple s’écria en même temps : « Les dieux mortels, nous les rejetons, pieux roi, et c’est le Dieu immortel que prêche Remi que nous sommes prêts à suivre ». Cette nouvelle est portée au prélat qui, rempli d’une grande joie, fit préparer la piscine. […] Ce fut le roi qui le premier demanda à être baptisé par le pontife. Il s’avance, nouveau Constantin, vers la piscine pour se guérir de la maladie d’une vieille lèpre et pour effacer avec une eau fraîche de sales taches faites anciennement.
Lorsqu’il fut entré pour le baptême, le saint de Dieu l’interpella d’une voix éloquente en ces termes : « Courbe doucement la tête, ô SicambreNote 13 ; adore ce que tu as brûlé, brûle ce que tu as adoré ». Remi était un évêque d’une science remarquable et qui s’était tout d’abord imprégné de l’étude de la rhétorique. Il existe de nos jours un livre de sa vie qui raconte qu'il était tellement distingué par sa sainteté qu’il égalait Silvestre par ses miracles, et qu’il a ressuscité un mort. Ainsi donc le roi, ayant confessé le Dieu tout puissant dans sa Trinité, fut baptisé au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit et oint du saint chrême avec le signe de la croix du Christ. Plus de trois mille hommes de son armée furent également baptisés. […] »
— Grégoire de Tours, Histoire des Francs, livre II, chapitre XXXI.
L'extension du royaume vers le sud
Trois puissances exercent leur domination au sud du royaume de Clovis, les Wisigoths au sud-ouest, les Burgondes au sud-est et plus loin, en Italie, les Ostrogoths. Clovis noue des alliances successives pour continuer l'expansion de son royaume sans avoir à affronter une coalition hostile face à lui.
Renversements d'alliances entre Burgondes et Wisigoths
En 495, Théodoric, roi d'Italie, épouse Audofleda, sœur de Clovis Ier, dont il essaie de contenir l'ambition croissante. L'année suivante, il s'accorde avec Clovis pour que celui-ci ne poursuive pas au-delà du Danube les Alamans. Théodoric protège d'ailleurs les rescapés en les installant dans la première Rhétie. Il a ainsi l'avantage de repeupler une contrée et d'acquérir de braves et fidèles vassaux.
En 499, Clovis s'allie au roi burgonde de Genève, Godégisile, qui veut s'emparer des territoires de son frère Gondebaud69. Afin de sécuriser ses territoires à l'Ouest, en 500, Clovis signe un pacte d'alliance avec les Armoricains (peuplades gauloises de la péninsule bretonne et du rivage de la Manche)70 et Bretons71.
Après la bataille de Dijon et sa victoire sur les Burgondes de Gondebaud, Clovis contraint ce dernier à abandonner son royaume et à se réfugier à Avignon69. Cependant, le roi wisigoth Alaric II se porte au secours de Gondebaud et persuade ainsi Clovis d'abandonner Godégisèle. Clovis et Gondebaud se réconcilient et signent un pacte d'alliance pour lutter contre les Wisigoths.
Pour manifester l'équilibre de ses alliances, en 502, son fils Thierry épouse en premières noces une princesse rhénane, dont il a Thibert Ier, roi de Reims (+548), puis en secondes noces Suavegothe, fille de Sigismond, roi des Burgondes, dont il a une fille Theodechilde.
La bataille de Vouillé
Article détaillé : Bataille de Vouillé.
Les campagnes franques en Aquitaine entre 507 et 509
Avec l'appui de l'empereur romain d'Orient Anastase, très inquiet des visées expansionnistes des Goths chrétiens ariens, Clovis s'attaque alors aux Wisigoths qui dominent la majeure partie de la péninsule Ibérique et le Sud-Ouest de la Gaule (la Septimanie ou « Marquisat de Gothie »), jusqu'à la Loire au nord et jusqu'aux Cévennes à l'est.
Au printemps 507, les Francs lancent leur offensive vers le sud, franchissant la Loire vers Tours, pendant que les alliés burgondes attaquent à l'est. Les Francs affrontent l'armée du roi Alaric II dans une plaine proche de Poitiers. La bataille dite de « Vouillé » (près de Poitiers), est terrible selon l'historiographie, et les Wisigoths se replient après la mort de leur roi, Alaric II, tué par Clovis lui-même en combat singulier56.
Cette victoire permet au royaume de Clovis de s'étendre en Aquitaine et d'annexer tous les territoires auparavant wisigoths entre Loire, océan et Pyrénées. Les Wisigoths n'ont d'autre solution que de se replier en Hispanie, au-delà des Pyrénées. Toutefois, les Ostrogoths de Théodoric tentent d'intervenir en faveur des Wisigoths. Ils reprennent bien la Provence après la levée à l'automne 508 du siège d'Arles ainsi que quelques parties aux Burgondes, mais l'Empire d'Orient menace leurs côtes, et Clovis garde l'essentiel des anciens territoires wisigoths. Les Wisigoths ne conservent plus qu'une partie de la Septimanie — le Languedoc — et de la Provence.
Clovis affermit son pouvoir
Paris, la nouvelle capitale du royaume unifié
Plan de Lutèce conquise par les François sur les Romains par Jean-Baptiste Bourguignon d'Anville.
Il décide alors de faire de Paris, la ville de sainte Geneviève dont le couple royal fait remplacer l'édifice en bois qui lui est dédié par une église72, sa résidence principale73, après Tournai et Soissons74. C'est la première accession au statut de capitale de l'ancienne Lutèce, qui porte désormais le nom de l'ancien peuple gaulois des Parisii.
Tour Clovis, vestige du xiiie siècle de l'abbaye des Saints-Apôtres dans l'actuel lycée Henri-IV à Paris.
Ses raisons sont sans doute principalement stratégiques, la cité ayant été une ville de garnison et une résidence impériale vers la fin de l'Empire, notamment pour les empereurs Julien et Valentinien Ier. Elle bénéficie en outre de défenses naturelles et d'une bonne situation géographique75, Childéric Ier avait tenté de s'en emparer en l'assiégeant à deux reprises, sans succès72. Sa localisation correspond à l'actuelle île de la Cité reliée aux rives de la Seine par un pont au nord et un deuxième pont au sud, et protégée par un rempart76. En outre, un vaste et riche fisc (terre, forêt ou mine appartenant à la couronne77) l'entoure. Elle n'a qu'une importance relative : le royaume franc n'a pas d'administration, ni d'ailleurs aucun des caractères qui fondent un État moderne. Cependant, la ville de Lyon, ancienne « capitale des Gaules », perd définitivement sa suprématie politique dans l’isthme ouest-européen.
Agrandissements successifs du royaume de Clovis.
Sous le règne de Clovis en tout cas, la ville ne connaît pas de changements majeurs : le patrimoine immobilier antique est conservé, parfois réaffecté. Seuls de nouveaux édifices religieux donnés par la famille royale et par l'aristocratie transforment quelque peu le paysage urbain, tel la basilique des Saints-Apôtres. Mais c'est surtout après la mort de Clovis que les premiers de ces édifices voient le jour.
Les deux années avant sa mort78, Clovis s'empare du royaume franc de Sigebert le Boiteux après l'avoir fait assassiner par l'intermédiaire de son propre fils Clodéric, lequel périt à son tour après une manœuvre de Clovis, qui étend ainsi son autorité au-delà du Rhin79. Clovis exécute ses cousins les rois Cararic et Ragnacaire, avec son frère Riquier, ainsi que Rignomer, dans la cité du Mans, un autre de ses frères, pour s'emparer de leurs royaumes et éviter que son royaume unifié ne soit partagé entre eux selon la coutume de la tanistrie80.
Clovis est désormais le maître d'un unique royaume, correspondant à une portion occidentale de l'ancien Empire romain, allant de la moyenne vallée du Rhin, (l'embouchure du Rhin est toujours aux mains des tribus frisonnes) jusqu'aux Pyrénées, tenues par les Basques. Le royaume de Clovis ne comprend toutefois pas l'île de Bretagne (actuelle Grande-Bretagne), ni les régions méditerranéennes, ni les vallées du Rhône et de la Saône.
La loi salique
Copie manuscrite sur vélin du viiie siècle de la loi salique. Paris, Bibliothèque nationale de France.
Article détaillé : Loi salique.
Aux sujets gallo-romains, Clovis fait appliquer le Bréviaire d'Alaric, adaptation wisigothique du Code Théodosien81. Selon certains historiens, la première loi salique était un code pénal et civil, propre aux Francs dits « saliens » (ive siècle). D'abord mémorisée et transmise oralement, elle fut mise par écrit dans les premières années du vie siècle82 à la demande de Clovis83, puis remaniée plusieurs fois par la suite, jusqu'à Charlemagne. Le pacte de la loi salique est daté d'après 507 : peut-être sa promulgation coïncide-t-elle avec l'installation du roi à Paris ?
La première version de la loi (il y en eut au moins huit) portait le nom de pactus legis salicæ (pacte de la loi salique), et est composé de soixante-cinq articles. L'ancienneté supposée de cette version rédigée sous Clovis est cependant contestée car, si son origine remonte bien au milieu du vie siècle, elle n'est due qu'à un « premier roi franc » dont le nom n'est pas précisé84. Le prologue parle de quatre recteurs ayant pour mission de rendre équité et justice. Un prologue plus tardif précise qu'elle a été mise en forme sur ordre de Clovis et de ses fils. Les termes utilisés dans la version écrite et les principes appliqués relèvent autant de larges emprunts au droit romain que de la tradition germanique. Il s'agit cependant de substituer le droit romain aux coutumes barbares afin d'éviter les guerres privées (faides) comme moyen de règlement des conflits85. À la différence du droit romain, la loi salique se montre beaucoup plus clémente quant au traitement infligé aux criminels : diverses amendes régissent les crimes et délits, permettant ainsi d'éviter la peine de mort86.
La loi salique s'applique à tous les Francs même aux Francs rhénans dont la loi ripuaire ne sera rédigée que bien plus tard, faisant valoir ainsi leurs particularismes81.
Le concile d'Orléans
Article détaillé : Concile d’Orléans (511).
Participation des évêques au concile d'Orléans en 511.
En juillet 511, Clovis réunit un concile des Gaules à Orléans, qui prend fin le dimanche 10 juillet87. Le concile rassemble trente-deux évêques, et est présidé par l'évêque métropolitain Cyprien de Bordeaux ; la moitié viennent du « royaume des Francs ». Les évêques métropolitains de Rouen et Tours sont présents mais pas celui de Reims. Les évêques de Vasconie sont absents à cause de troubles dans leur région mais également ceux de Belgique et de Germanie88 du fait du manque de pénétration de l'Église catholique romaine dans ces régions. Clovis est désigné « Rex Gloriosissimus fils de la Sainte Église catholique », par tous les évêques présents89.
Ce concile fut capital dans l'établissement des relations entre le roi et l'Église catholique. Clovis ne se pose pas comme chef de l’Église comme le ferait un roi arien, il coopère avec celle-ci et n’intervient pas dans les décisions des évêques (même s'il les a convoqués, leur pose des questions, et promulgue les canons du concile).
Ce concile vise à remettre de l’ordre dans l’épiscopat du royaume des Francs, à faciliter la conversion et l’assimilation des Francs convertis et des ariens, à limiter les incestes (brisant ainsi la tradition germanique matriarcale des clans familiaux endogames), à partager les tâches entre administration et Église, à restaurer les liens avec la papauté.
Des trente-et-un canons produits par le concile, il ressort que le roi ou son représentant, c'est-à-dire le comte, se voient réserver le droit d'autoriser ou non l'accès d'un laïc à la cléricature. Les esclaves devant d'abord s'en référer au maître. Il s'agit là d'endiguer les fuites fiscales que les vocations, motivées par l'immunité, provoquent chez les plus riches90.
Le roi se voit attribuer le droit de désigner les évêques, contrairement au canon qui veut qu'ils soient élus par une assemblée de fidèles91, confirmant ainsi les droits de magister militum que l'empereur accordait à ses ancêtres en tant que gouverneurs de la province de Belgique seconde92. Les rois mérovingiens bénéficient de ce droit jusqu'à la promulgation de l'édit de Paris par Clotaire II, le 18 octobre 61493 où les élections épiscopales redeviennent la règle94. La chasteté des clercs et la subordination des abbés aux évêques sont rappelées. Les clercs hérétiques ayant reconnu la foi catholique peuvent retrouver une fonction et les établissements religieux repris aux ariens sont à nouveau consacrés dans la foi catholique84.
Le droit d'asile est élargi à l'ensemble des bâtiments entourant les églises, s'alignant ainsi sur le code Théodosien, la loi gombette et le bréviaire d'Alaric. L'objectif était de permettre à un fugitif de trouver refuge dans les édifices sacrés, avec l'assurance de pouvoir y être logé convenablement, sans avoir à profaner les édifices. Le canon interdit au poursuivant de pénétrer dans l'enceinte du bâtiment, sans avoir préalablement prêté serment sur l'Évangile, et d'infliger de châtiment corporel au fugitif. Une indemnisation était prévue pour compenser le préjudice subi, s'il s'agissait d'un esclave en fuite, ou la possibilité pour le maître de le récupérer.
En cas de parjure, il y a excommunicationNote 14. Les terres royales accordées à l'Église se voient exemptées d'impôt afin d'y entretenir les clercs, les pauvres et les prisonniers. Plusieurs superstitions, tel que les « sorts des saints », coutume consistant à ouvrir au hasard les livres sacrés tel que la Bible et interpréter comme un oracle le texte apparaissant sous les yeux du lecteurNote 15, se voient condamnées95 une seconde fois, après le concile de Vannes de 46596.
L’alliance de l’Église chrétienne et du pouvoir, qui a débuté avec le baptême du roi et qui perdure près de quatorze siècles, est un acte politique majeur qui se poursuit car les populations rurales, jusque-là païennes, de plus en plus christianisées, lui font davantage confiance.
La mort et l'inhumation de Clovis
Gisant de Clovis Ier à Saint-Denis. Les traits et la couronne sont conformes aux représentations du xiiie siècle97.
La basilique des Saints-Apôtres
Clovis meurt à Paris le 27 novembre 5112, âgé de 45 ans98. On présume qu'il est décédé d'une affection aiguë au bout de 3 semaines99. Selon la tradition, il aurait été inhumé dans la basilique des Saints-Apôtres (saint Pierre et saint Paul)100, future église Sainte-Geneviève, qu'il avait fait construire sur le tombeau même de la sainte tutélaire de la cité, à l'emplacement de l'actuelle rue Clovis (rue qui sépare l'église Saint-Étienne-du-Mont du lycée Henri-IV).
Clovis fut inhumé, comme l'écrit Grégoire de Tours, dans le sacrarium de la basilique des Saints-Apôtres situé sous l'actuelle rue Clovis101, c'est-à-dire dans un mausolée construit exprès à la manière de la sépulture qui avait accueilli l'empereur romain chrétien Constantin le Grand aux Saints-Apôtres à Constantinople102, en annexe, sans doute greffé sur le chevet du monument103. Les sarcophages royaux furent probablement posés sur le sol et non enfouis, selon l'usage qui s'imposa dès la génération des fils de Clovis103. Malgré le souhait de Clovis, la basilique ne servit pas de mausolée à la dynastie mérovingienne. On ignore ce qu'il advint des tombes du couple royal ainsi que celles de leur fille Clotide, et leurs petits fils Thibaud et Gonthier, assassinés à la mort de Clodomir. Comme l'exemple des tombes princières de la cathédrale de Cologne l'illustre, il est possible que les sarcophages aient été enfouis dans le sous-sol si un agrandissement nécessita son arasement103 et si ces travaux n'eurent pas lieu avant la seconde moitié du ixe siècle, il est possible qu'ils furent pillés ou détruits à l'occasion des invasions normandes (845, 850 et 885).
L'église ne fut pas détruite puisque l’on se contenta à chaque fois de quelques réparations. Les châsses des saints furent évacuées en lieu sûr, puis replacées après les attaques. Si l’on est informé du sort des reliques, on ignore en revanche ce qu’est devenu le tombeau de Clovis durant les attaques normandes.
Le gisant de Clovis
« Clovis Ier roy crestien », tirée du Recueil des rois de France de Jean du Tillet, vers 1550. Miniature réalisée d'après le gisant de l'église Sainte-Geneviève.
En 1177, se trouvait un tombeau au milieu du chœur sur lequel on lisait cette inscription : « chlodoveo magno, hujus ecclesiae fundatori sepulcrum vulgari olim lapide structum et longo aevo deformatum, abbas et convent. meliori opere et form renovaverunt ». Un gisant du xiiie siècle fut installé à l'emplacement du tombeau.
Ce tombeau, composé d’un socle et d’un gisant, fut restauré en 1628 par les soins du cardinal-abbé de La Rochefoucauld qui le fit placer dans la chapelle axiale rectangulaire, au fond de l’église, dans un monumental ensemble baroque en marbre. C’est ce gisant qui fut transféré en 1816 à l'église abbatiale de Saint-Denis.
Les fouilles de 1807
En 1807, au moment de la démolition de l'église Sainte-Geneviève, des fouilles furent entreprises par le préfet Frochot et menées par l’administration des Domaines sous la direction des architectes Rondelet et Bourla, assistés par Alexandre Lenoir. Malgré des identifications hâtives et arbitraires, la fouille de la crypte du xie siècle n’aboutit à aucune découverte significative. Aucun vestige ne remontait à l’époque mérovingienne. En revanche, la fouille de la nef permit la découverte de 32 sarcophages trapézoïdaux tous orientés. C’est en raison de la qualité de l’ornementation, et parce que c’était le but des fouilles et que l’emplacement correspondait au gisant du xiiie siècle avant le transfert de 1628, que le rapport remis à l’empereur conclut à la découverte probable des sarcophages de Clovis et de sa famille104.
Mais Alexandre Lenoir reconnut qu’aucune inscription ne l’attestait. L'archéologue Michel Fleury notait que la facture de ces tombeaux est plutôt à placer dans le dernier quart du vie siècle. Ce ne devait donc pas être la sépulture de Clovis et des siens. Il devait plutôt s’agir de sépultures mérovingiennes aristocratiques placées ad sanctos, non loin de l’emplacement le plus probable du tombeau de sainte Geneviève entre les vie et xiie siècles. Ces sarcophages ne semblaient pas, toujours selon Michel Fleury, avoir été déplacés lors de la reconstruction du xie siècle mais devaient plutôt être à leur emplacement d’origine.
Seize des trente-deux sarcophages furent envoyés au Musée des Monuments français en 1808. Ils furent perdus en 1817 lors de la dissolution du musée. De ces fouilles ne nous sont donc parvenus que quelques rares éléments et rien ne permet d'affirmer avec certitude que les tombes découvertes étaient celles de Clovis et des siens.
L'idée de relancer les fouilles avec des moyens modernes est défendue par exemple par l'historien Patrick Perrin. Il n'est pas exclu que de nouvelles fouilles à l'emplacement de la basilique disparue, le long de l'actuelle rue Clovis, entre l'église Saint-Étienne-du-Mont et le lycée Henri IV pourraient apporter des informations plus précises sur le sacrarium aménagé en 511.